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lieu des comices, lui, au contraire, il commença à se tourner vers le Forum, ce qu’il continua depuis ; et, par ce léger changement de situation et de direction de vue, il produisit un tel effet, que, d’aristocratique qu’était le gouvernement, il le rendit, en quelque sorte, démocratique, faisant voir par là aux orateurs que c’était au peuple, et non au Sénat, qu’ils devaient adresser la parole.

Le peuple ne se contenta point de sanctionner cette dernière loi : il donna en outre à Caïus le droit de choisir parmi les chevaliers romains ceux qu’il voudrait admettre au nombre des juges, ce qui l’investit d’une autorité presque monarchique ; jusque-là que le Sénat l’admit à ses délibérations, et lui demanda souvent son avis. Il est vrai que Caïus ne lui conseillait jamais que des choses convenables à sa dignité. Tel fut, par exemple, le décret qu’il proposa au sujet du blé que le propréteur Fabius avait envoyé d’Espagne : avis aussi honorable que juste, et qui détermina le Sénat à faire vendre ce blé, à en envoyer le montant aux villes de cette province, et à réprimander Fabius de ce qu’il rendait, par ses exactions, la puissance romaine odieuse et insupportable aux peuples qu’il gouvernait. Ce décret acquit à Caïus, dans les provinces, une grande réputation et la bienveillance générale. Il fit aussi des lois pour le rétablissement de plusieurs colonies, pour la construction de grands chemins et de greniers publics. Il se chargea lui-même de diriger ces entreprises ; et, loin qu’il succombât à tant et de si grands travaux, il les fit exécuter avec une diligence merveilleuse, tout en donnant à chacun d’eux autant de soin que s’il n’eût eu que celui-là à conduire : aussi ceux-là même qui le haïssaient ou qui le craignaient s’étonnaient-ils de cette activité si efficace et si féconde en résultats.

Le peuple ne se lassait point de l’admirer en le voyant