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Falisques pour avoir insulté le tribun du peuple Genucius ; ils condamnèrent à mort Caïus Véturius, parce qu’un tribun traversant le Forum, il avait refusé seul de se ranger devant lui. Et ces hommes ont, sous vos yeux mêmes, assommé Tibérius à coups de bâtons ; et son corps a été traîné du Capitole dans les rues de la ville, et jeté dans le Tibre ! Ceux de ses amis qu’on avait arrêtés ont été mis à mort sans forme de procès : or, c’est un usage immémorial à Rome, quand un citoyen, accusé d’un crime capital, ne comparaît point, qu’un trompette aille, dès le matin, à la porte de sa maison, le sommer, à son de trompe, de se présenter au tribunal ; et les juges ne vont point aux opinions que cette formalité n’ait été remplie. Tant nos ancêtres montraient de prudence et de circonspection, dès que la vie des citoyens était en jeu ! »

Caïus, dont la voix forte et puissante se faisait aisément entendre de la multitude, ayant ému le peuple par ces discours, proposa deux lois : l’une qui portait que tout magistrat déposé par le peuple ne pourrait plus exercer aucune charge ; l’autre, que le magistrat qui aurait banni un citoyen sans lui avoir préalablement fait son procès, serait traduit en jugement devant le peuple. La première de ces lois dégradait évidemment Marcus Octavius, que Tibérius avait fait déposer du tribunat ; et la seconde frappait directement Popilius, qui, étant préteur, avait banni les amis de Tibérius : aussi, sans attendre l’issue du jugement, Popilius s’exila-t-il de l’Italie. Quant à l’autre loi, Caïus lui-même la révoqua, alléguant pour prétexte sa condescendance aux prières de sa mère Cornélie, qui lui avait demandé la grâce d’Octavius. Le peuple approuva avec joie cette révocation, par égard pour Cornélie, qu’il honorait non moins par rapport à ses enfants qu’à cause de Scipion, son père ; car, dans la suite, lui ayant élevé une statue de bronze, il y fit mettre cette