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bunat. Sur ces entrefaites, il arriva qu’il fut élu questeur, et que le sort lui échut d’aller en Sardaigne en cette qualité avec le consul Orestès[1]. Cette commission fit grand plaisir à ses ennemis, et ne déplut nullement à Caïus. Né avec le génie militaire, et non moins exercé au métier des armes qu’à l’éloquence, n’envisageant d’ailleurs qu’avec horreur l’administration des affaires et la tribune, il fut charmé de ce voyage, qui lui donnait un moyen de résister au désir du peuple et de ses amis, qui l’appelaient au gouvernement. C’est une opinion presque générale qu’il était plus ardent démagogue que ne l’avait été son frère, et qu’il recherchait plus ambitieusement que lui la faveur du peuple. Mais cette opinion est fausse : il paraît au contraire que ce fut par nécessité, bien plus que par choix, qu’il se jeta dans la carrière politique. L’orateur Cicéron lui-même écrit que, comme Caïus fuyait toute espèce de charge, résolu de passer sa vie en repos loin des affaires, son frère lui apparut en songe, et lui dit : « Caïus, pourquoi donc différer si longtemps ? tu ne saurais éviter ton sort. Une même vie et une même mort nous ont été marquées par les destins, et qui doivent être consacrées l’une et l’autre à l’utilité du peuple. »

Caïus, arrivé en Sardaigne, y donna de grandes preuves de valeur : il se montra supérieur à tous les jeunes gens par son courage contre les ennemis, par sa justice envers les inférieurs, par son affection et sa déférence pour le général ; il surpassa ceux mêmes qui étaient plus âgés que lui en tempérance, en simplicité et en amour du travail. Or, l’hiver, cette année-là, étant rude et malsain en Sardaigne, le consul Orestès se vit dans la nécessité de demander, aux villes de son gouvernement, des vête-

  1. Lucius Aurelius Orestes. C’était six ans après la mort de Tibérius : Caïus avait alors vingt-sept ou vingt-huit ans.