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CAÏUS GRACCHUS.


De l’an 153 à l’an 121 avant J.-C.

Caïus Gracchus, dans les premiers temps qui suivirent la mort de son frère, soit qu’il craignît les ennemis de Tibérius, soit qu’il désirât d’attirer sur eux la haine du peuple, s’abstint de paraître au Forum, et vécut retiré dans sa maison, comme s’il eût pris la résolution de passer le reste de ses jours dans l’état d’abaissement ou il se trouvait réduit : par cette conduite il donna lieu à quelques personnes de penser qu’il blâmait, qu’il abhorrait même les choses que son frère avait faites. Il était fort jeune alors ; car il avait neuf ans de moins que Tibérius, et Tibérius, à sa mort, n’avait pas encore trente ans. Mais, dans la suite, ayant fait connaître peu à peu son caractère, on vit en lui un homme ennemi de l’oisiveté, de la mollesse, de la débauche, de la richesse mal acquise, et qui exerçait ses talents oratoires, comme des ailes pour s’élever au gouvernement ; ce qui fit juger qu’il ne se livrerait pas à une vie oisive et inutile.

Vettius, un de ses amis, ayant été appelé devant les tribunaux, Caïus se chargea de sa défense ; et le peuple fut si ravi de l’entendre, que les transports de sa joie tenaient de l’enthousiasme et de la fureur. Il est vrai qu’en cette occasion les autres orateurs ne parurent que des enfants auprès de Caïus. Ce début inspira tant de crainte aux riches, qu’ils se concertèrent entre eux sur les moyens à prendre pour l’empêcher de parvenir au tri-