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rhéteur. Un certain Caïus Villius périt enfermé dans un tonneau avec des serpents et des vipères. Blossius de Cumes fut mené devant les consuls ; et là, interrogé par eux sur ce qui s’était passé, il avoua franchement avoir exécuté tous les ordres de Tibérius. « Mais, lui dit Nasica, s’il t’eût ordonné de mettre le feu au Capitole ? — Jamais Tibérius ne m’eût donné un pareil ordre, » répondit Blossius. Et, comme plusieurs sénateurs s’opiniâtraient à lui faire la même question : « Si Tibérius me l’eût commandé, dit-il, j’aurais cru devoir le faire ; car jamais il ne m’aurait donné cet ordre, s’il n’eût été utile au peuple. » Blossius échappa à ce danger, et se retira quelque temps après à la cour d’Aristonicus[1] ; mais, quand il vit les affaires d’Aristonicus entièrement ruinées, il se tua lui-même.

Le Sénat, pour apaiser le mécontentement des citoyens, ne s’opposa plus au partage des terres, et permit au peuple de nommer un autre commissaire[2] à la place de Tibérius. On en vint aux suffrages ; et on élut Publius Crassus, allié des Gracques, car sa fille, Licinia, était mariée à Caïus, frère de Tibérius. Il est vrai que Cornélius Népos écrit que Caïus épousa, non point la fille de Crassus, mais celle de Brutus, celui qui triompha des Lusitaniens ; mais le sentiment que nous avons adopté a été suivi par la plupart des historiens. Quoi qu’il en soit, le peuple, toujours aigri de la mort de Tibérius, semblait n’attendre que le moment de la venger ; déjà même il menaçait de traduire en jugement Nasica. Mais le Sénat, qui craignait pour la vie de ce personnage, lui donna, sans aucune nécessité publique, une commission en Asie.

  1. Aristonicus était un frère bâtard d’Attalus.
  2. Il y a dans le texte Τίτον, Titus, ce qui est certainement une faute de copiste. On propose de lire τρίτον, un troisième, car il a été dit qu’il y avait trois commissaires ; ou même τίνα, un individu quelconque. Mais un manuscrit donne ἕτερον : c’est la leçon que j’ai suivie.