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n’ignore pas que quelques historiens attribuent ce fait à Tibérius, père des Gracques, et à Scipion l’Africain ; mais la plupart suivent l’opinion que j’ai adoptée ; et Polybe lui-même écrit, que c’est après la mort de Scipion l’Africain que les parents assemblés choisirent, entre tous les autres, Tibérius pour époux à Cornélie, que son père avait laissée non mariée.

Tibérius le jeune, servant en Afrique sous le second Scipion, celui qui avait épousé sa sœur, vivait dans la même tente avec son général. Il reconnut bientôt l’excellent naturel de Scipion et ses qualités admirables, si propres à exciter dans les autres l’amour de la vertu et le désir de l’imiter. Pour lui, il surpassa bientôt en valeur et en soumission à la discipline tous les jeunes gens de l’armée. Il monta le premier sur la muraille d’une ville ennemie, d’après le rapport de Fannius[1] lequel assure même y être monté avec lui, et avoir partagé la gloire de cet exploit.

La guerre terminée, il fut nommé questeur ; et le sort lui échut d’aller servir contre les Numantins, sous le consul Mancinus[2], homme qui ne manquait ni de talent ni de courage, mais qui fut le plus malheureux des généraux romains. Il est vrai que les malheurs et les désastres qu’éprouva Mancinus ne servirent qu’à faire éclater davantage, non-seulement la prudence et le courage de Tibérius, mais, ce qui est plus admirable encore, le respect et la déférence qu’il portait à son général, à qui le sentiment de ses infortunes avait presque fait oublier son rang et son autorité. Découragé par la perte de plusieurs batailles, Mancinus se retira à la faveur de la nuit, et abandonna son camp. Les Numantins, avertis de sa re-

  1. Gendre de Lélius : il avait composé une Histoire et des Annales.
  2. Ce fut plusieurs années après la campagne sous Scipion : il avait alors vingt-six ans.