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échouer leurs entreprises : comme ils ne fleurirent pas tous deux ensemble, ils ne purent mettre en commun leurs forces respectives, et former, par cette union, une puissance redoutable et peut-être invincible. Il nous faut donc écrire séparément la Vie de chacun des deux frères, en commençant par l’aîné.


TIBÉRIUS GRACCHUS.


De l’an 162 à l’an 132 avant J.-C.

Tibérius, à peine sorti de l’enfance, se rendit si célèbre et si recommandable, qu’on le jugea digne d’être associé au collège des augures, plus pour sa vertu que pour sa naissance. Un témoignage bien flatteur de son mérite, c’est celui qu’en rendit Appius Claudius, personnage qui avait été consul et censeur, que sa dignité personnelle avait fait nommer prince du sénat, et qui surpassait en grandeur d’âme tous les Romains de son temps. Se trouvant un jour avec Tibérius à un festin des augures, il combla le jeune homme de marques d’amitié, et lui proposa sa fille en mariage[1]. Tibérius accepta, sans balancer, une offre si flatteuse ; et les conventions se firent sur-le-champ. Appius, en rentrant chez lui, appela sa femme dès le seuil de la porte. « Antistia, cria-t-il, je viens de promettre en mariage notre fille Claudia. — Pourquoi cet empressement, répondit Antistia surprise ; et qu’était-il besoin de se hâter, à moins que tu ne lui aies trouvé pour mari Tibérius Gracchus ? » Toutefois je

  1. Tibérius avait alors vingt ans.