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et ses mœurs d’après les actions qui ont marqué sa conduite politique.

Ce fut à l’époque de la guerre phocique que Démosthène commença à s’entremettre dans les affaires du gouvernement. C’est ce qu’il atteste lui-même, et ce qu’on peut inférer aussi de ses harangues contre Philippe : les dernières furent prononcées après la ruine des Phocéens ; et les premières parlent de plusieurs faits qui concoururent avec les derniers temps de la guerre. On sait d’une manière certaine qu’il plaida contre Midias à l’âge de trente-deux ans, lorsqu’il n’avait encore ni crédit ni réputation comme homme d’État. Ce fut même, je crois, par cette considération, qu’il sacrifia, pour de l’argent, son ressentiment contre Midias.

Car il n’était point un homme au cœur tendre et facile à apaiser[1] ;

au contraire, il était rude, violent et vindicatif ; mais il se sentait trop faible pour l’emporter sur un homme à qui ses richesses, son éloquence et ses amis formaient comme un rempart inexpugnable ; et c’est là ce qui le décida à se rendre aux sollicitations des amis de Midias. En effet, la somme de trois mille drachmes[2] n’eût point à elle seule, ce me semble, désarmé la colère de Démosthène, s’il eût espéré pouvoir triompher de son ennemi.

Il signala d’une manière brillante son début dans la carrière politique, en soutenant, contre Philippe, la liberté de la Grèce : il la défendit avec courage ; et, en peu de temps, il conquit un glorieux renom, et se mit, par son éloquence et la hardiesse de son langage, au premier rang des orateurs. On l’admirait dans toute la Grèce ; le grand roi lui fit donner des témoignages de son estime ; Philippe lui-même tenait plus de compte de Démosthène

  1. Iliade, xx, 407.
  2. Environ deux mille sept cents francs de notre monnaie.