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rait, s’emparer de Cyrène. Nicagoras écrivit la lettre, et s’embarqua. Quatre jours après, Sosibius la remit à Ptolémée, comme s’il venait de la recevoir. Cette lettre irrita tellement le jeune homme, qu’il donna sur-le-champ l’ordre d’enfermer Cléomène dans une vaste maison, où sa pension lui serait toujours payée, mais d’où on lui ôterait tout moyen de s’échapper.

Ce traitement affligea vivement Cléomène ; mais une aventure qui lui arriva lui fit envisager un avenir plus affligeant encore. Ptolémée, fils de Chrysermus, un des amis du roi, lui avait toujours témoigné beaucoup d’intérêt. Comme il s’était établi entre eux une grande familiarité et une franchise réciproque, Cléomène le fit prier de venir le voir. Ptolémée y alla ; il parla à Cléomène avec douceur, tâcha de dissiper les soupçons qu’il pouvait avoir, et de justifier la conduite du roi. Quand il sortit, ne prenant pas garde que Cléomène le suivait par derrière jusqu’à la porte, il tança fortement les sentinelles de ce qu’elles gardaient si négligemment une bête féroce qu’on aurait tant de peine à rattraper si elle s’échappait. Cléomène, qui avait entendu ces paroles, se retira en toute hâte, de peur d’être aperçu par Ptolémée, et alla conter à ses amis son aventure. Renonçant alors à ce qu’ils avaient conservé d’espérance, ils résolurent, dans le premier transport de la colère, de venger l’injustice et l’outrage que leur faisait Ptolémée, et de mourir en vrais Spartiates, sans attendre qu’on les immolât après les avoir engraissés comme des victimes destinées au sacrifice. « Rien, disaient-ils, ne serait plus honteux pour Cléomène, qui a refusé tout accommodement avec Antigonus, prince guerrier et plein d’activité, que d’attendre dans l’inaction le loisir d’un roi bateleur, jusqu’à ce qu’il lui plût de quitter son tambourin et d’interrompre ses danses pour prononcer un arrêt de mort. »

Ils s’arrêtèrent à ce parti ; et, le hasard ayant voulu