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des descendants d’Hercule d’être soumis aux descendants de Philippe et d’Alexandre, épargnons-nous les dangers d’une longue navigation, et allons nous rendre à Antigonus, qui doit être aussi supérieur à Ptolémée que les Macédoniens le sont aux Égyptiens. Si nous rougissons d’obéir à ceux qui nous ont vaincus par les armes, pourquoi n’aurions-nous pas honte de nous donner pour maître celui qui n’a remporté sur nous aucune victoire ? et, pouvant n’être inférieurs qu’à un seul, voudrons-nous paraître inférieur à deux, à Antigonus que nous fuyons, et à Ptolémée de qui nous serons les vils flatteurs ? Dirons-nous que nous allons en Égypte à cause de ta mère qui y est en otage ? Ah ! ce sera assurément pour elle un beau et digne spectacle, de montrer aux femmes de Ptolémée son fils devenu fugitif et prisonnier de roi qu’il était. Pendant que nous sommes encore maîtres de nos épées, et que la Laconie est sous nos yeux, ne vaut-il pas mieux nous délivrer nous-mêmes de cette infortune, et nous justifier par là auprès de ceux qui sont morts à Sellasie pour la défense de Sparte, que d’aller vivre en Égypte dans une lâche inaction, et d’y apprendre quel satrape Antigonus aura laissé à Lacédémone pour commander. »

Thérycion ayant ainsi parlé, Cléomène répondit : « Es-tu donc assez lâche pour regarder comme un effort de courage l’action la plus facile à faire, celle qui est au pouvoir de tous les hommes, l’action de mourir ? Tu veux te rendre coupable d’une fuite plus honteuse encore que la première ; et tu te crois homme de cœur ! On a vu souvent des guerriers supérieurs à nous céder à leurs ennemis, ou trompés par la Fortune, ou accablés par le nombre ; mais celui qui succombe aux travaux et aux fatigues, à la louange ou au blâme, celui-là est vaincu par sa propre mollesse. La mort que l’on choisit doit être, non point la suite d’une action, mais une action