Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/162

Cette page a été validée par deux contributeurs.

fût commencée, les alliés pressaient l’ancien Archidamus de régler la contribution que chacun d’eux aurait à fournir. « La guerre, répondit-il, ne se fait point à prix fixe. » Et de même que, dans les combats d’escrime, les athlètes qui se sont longtemps exercés finissent par terrasser et vaincre ceux qui n’ont en partage que l’adresse et l’agilité, de même Antigonus, à qui les fonds nécessaires pour soutenir la guerre ne manquaient jamais, fatigua et défit enfin Cléomène, lequel ne pouvait qu’à grand’peine donner une modique solde à ses mercenaires, et fournir à l’entretien de ses troupes. Car, du reste, les circonstances favorisaient Cléomène : les affaires survenues à Antigonus le rappelaient chez lui. En effet, les Barbares, profitant de son absence, couraient et pillaient la Macédoine ; les Illyriens surtout y étaient descendus des hautes provinces, avec une puissante armée, et y faisaient un tel dégât, que les Macédoniens écrivirent à Antigonus pour le presser de revenir dans ses États.

Si les lettres eussent été remises à Antigonus un peu avant le combat, il aurait laissé là les Achéens, et serait retourné en toute hâte en Macédoine ; mais la Fortune, qui se plaît à faire dépendre d’un seul instant la décision des affaires les plus importantes, montra, en cette occasion, quels sont le poids et l’influence du temps. La bataille de Sellasie, où Cléomène perdit à la fois son armée et sa ville, était à peine terminée, qu’on vit arriver les courriers qui rappelaient Antigonus en Macédoine : ce qui rendit plus déplorable encore l’infortune de Cléomène. S’il eût différé la bataille de deux jours seulement, et qu’il eût su éviter d’en venir aux mains en amusant Antigonus, il n’eût eu nul besoin de combattre ; et, une fois les Macédoniens éloignés, il eût fait accepter aux Achéens toutes les conditions qu’il eût voulu ; mais le défaut d’argent ne lui laissait de ressource que dans les armes, et il fut forcé, suivant Polybe, de risquer la ba-