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mettre le feu au gymnase ; mais Cléomène les en empêcha, en leur disant que ce qu’il avait fait à Mégalopolis était bien plutôt un effet de son emportement que non pas un acte digne de louange. Antigonus, après être d’abord revenu à Argos, alla ensuite occuper les hauteurs et les défilés, qu’il garnit de troupes. Cléomène feignit de ne s’en soucier, et de mépriser ses dispositions stratégiques, et lui envoya demander, par des hérauts, les clefs du temple de Junon, voulant, disait-il, avant de s’en retourner, faire un sacrifice à la déesse. Après qu’il se fut moqué de la sorte, et qu’il eut lancé ce brocard à Antigonus, il sacrifia à Junon au bas du temple, qui était fermé ; puis il mena son armée à Phliunte. De là, il alla chasser la garnison d’Ologuntum[1], et descendit du côté d’Orchomène. Ces succès avaient relevé la confiance et le courage de ses concitoyens, et donné aux ennemis eux-mêmes une haute idée du talent de Cléomène comme général d’armée, et de sa capacité pour conduire les plus grandes affaires. Et véritablement, soutenir la guerre avec les forces d’une seule ville, et contre la puissance des Macédoniens, et contre tous les peuples du Péloponnèse, aidés des richesses d’un roi ; préserver la Laconie de toute insulte, tout en ravageant soi-même les terres des ennemis, et en leur prenant tant de villes considérables, ce n’était pas le fait, semblait-il, d’une habileté et d’une magnanimité vulgaires.

Celui qui le premier a dit que l’argent était le nerf des affaires, l’a dit, à mon avis, par rapport à la guerre principalement. L’orateur Démade, voyant les Athéniens ordonner l’armement d’une flotte, quoiqu’ils n’eussent point l’argent nécessaire, leur dit qu’avant de s’embarquer il fallait pétrir[2]. Avant que la guerre du Péloponnèse

  1. Petite ville d’Arcadie.
  2. C’est à peu près notre proverbe : Il ne faut pas s’embarquer sans biscuit.