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ennemis n’osèrent plus s’y montrer. Mais, quand il aperçut Antigonus descendant des hauteurs voisines avec son infanterie, et ses gens de cheval se jetant en foule dans la ville, alors, désespérant de pouvoir la conserver, il ramassa toutes ses troupes, descendit le long de la muraille, et fit sa retraite sans éprouver aucun échec[1].

Ainsi, après avoir soumis, dans un espace de temps fort court, presque tout le Péloponnèse, il perdit, en moins de temps encore, toutes ses conquêtes : des alliés qui servaient sous ses ordres, les uns l’abandonnèrent sur-le-champ, les autres ne tardèrent pas à livrer leurs places à Antigonus.

Cléomène, après cette malencontreuse expédition, ramenait son armée à Lacédémone, lorsque le soir même il reçut à Tégée des courriers qui lui apportaient une nouvelle dont il fut non moins affligé que de ses disgrâces militaires. Ils lui apprirent la mort de sa femme Agiatis, pour laquelle il avait tant d’estime et d’amour, qu’il ne pouvait s’empêcher, dans le cours même de ses plus grands succès, de faire de fréquents voyages à Sparte pour la voir. Il fut touché et accablé de cette perte, autant que peut l’être un jeune homme qui se voit enlever une femme belle et sage, et qu’il aime tendrement. Toutefois, il ne déshonora point, en cette occasion, sa grandeur d’âme ; et le deuil n’abattit point son courage : il conserva le même ton de voix, le même maintien, le même air de visage qu’il avait auparavant, donna ses ordres à ses officiers, et pourvut à la sûreté des Tégéates. Le lendemain, à la pointe du jour, il arriva à Lacédémone, où, après avoir donné quelque temps à sa douleur dans sa maison, avec sa mère et ses enfants, il se remit aussitôt à penser et à pourvoir aux affaires publiques.

  1. Le récit de Polybe n’est pas entièrement conforme à celui de Plutarque