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mone n’avaient pu venir à bout, malgré tous leurs efforts, d’attacher solidement Argos à leur alliance. Pyrrhus, le plus vaillant des capitaines, l’avait emportée de force ; mais, loin de s’établir dans la ville, il y avait péri avec une partie considérable de son armée[1]. Aussi admirait-on l’activité et la prudence de Cléomène ; et ceux-là même qui s’étaient d’abord moqués de sa prétention à imiter Solon et Lycurgue par l’abolition des dettes et l’égalité des biens, ne doutèrent plus dès lors que le changement qui s’était opéré dans les Spartiates ne fût vraiment son ouvrage. Les Spartiates étaient auparavant si abâtardis, si peu capables de se défendre eux-mêmes, que les Étoliens, dans une incursion en Laconie, leur avaient enlevé cinquante mille esclaves : à l’occasion de quoi un des vieillards Spartiates dit que les ennemis leur avaient rendu un grand service, en déchargeant la Laconie d’un si grand poids. Et peu de temps après, à peine commencent-ils à reprendre les usages de leurs pères, et à se remettre sur les traces de l’ancienne discipline, voilà qu’ils donnent des preuves signalées de leur valeur, et se montrent soumis à leurs chefs, comme si Lycurgue eût été au milieu d’eux et qu’il les eût gouvernés encore ; voilà qu’ils ont reconquis à Lacédémone sa prééminence sur la Grèce, et recouvré le Péloponnèse.

La prise d’Argos entraîna la soumission de Cléones[2] et de Phliunte[3]. Aratus, qui était alors à Corinthe, où il s’occupait de rechercher ceux qui favorisaient le parti des Lacédémoniens, fut extrêmement troublé en apprenant la reddition de ces villes ; et, comme il vit que Corinthe penchait pour Cléomène, il appela les citoyens au conseil. Mais, pendant qu’ils s’y rendaient, il se glissa, sans

  1. Voyez la Vie de Pyrrhus dans le deuxième volume.
  2. Sur le chemin d’Argos à Corinthe.
  3. Dans la Sicyonie, entre Sicyone et Cléones.