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robe de pourpre des Macédoniens, et aux volontés de leurs satrapes. Il célébrait des fêtes en l’honneur d’Antigonus, et n’avait point honte de chanter lui-même, la tête couronnée de fleurs, des hymnes à la gloire d’un homme dont le corps tombait en pourriture. Au reste, ce que nous en disons ici n’a point pour but d’accuser Aratus, qui, en tant d’occasions, s’est montré si grand, si digne de la Grèce : nous voulons seulement déplorer l’infirmité de la nature humaine, qui, dans les âmes même les plus élevées et les plus faites pour le bien, ne saurait produire une vertu exempte de tout blâme.

Les Achéens s’étaient de nouveau rassemblés dans Argos, où Cléomène était venu de Tégée ; et tout le monde espérait fermement de voir la paix se conclure. Mais Aratus, qui était déjà d’accord des principaux articles de sa capitulation avec Antigonus, eut peur que Cléomène, ou par persuasion ou par force, n’entraînât le peuple dans son parti, et ne renversât toutes ses machinations : il lui fit proposer d’entrer seul dans Argos, après avoir reçu trois cents otages pour sa sûreté ; ou, s’il l’aimait mieux, de s’approcher, avec son armée, jusqu’au gymnase appelé Cyllarabium[1], qui est hors de la ville ; et que là on traiterait avec lui. Cléomène se récria contre l’injustice de cette proposition. « C’était avant l’assemblée, dit-il, et non point lorsque je suis à vos portes, qu’il fallait témoigner cette défiance et rompre la négociation. » Il écrivit à ce sujet une lettre aux Achéens, laquelle n’était presque tout entière qu’une longue récrimination contre Aratus. Aratus, de son côté, n’épargna pas les injures à Cléomène, dans ses discours à ses concitoyens.

Cléomène décampa en toute diligence, et envoya un héraut, non point à Argos, mais à Égium[2], comme l’écrit

  1. Plutarque nomme ailleurs ce gymnase Cylarabis et Cyllarabis.
  2. Ville d’Achaïe, près du golfe de Corinthe, à l’ouest de Sicyone.