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Aratus, qui voyait les Achéens découragés par ce revers, refusa de se charger du commandement militaire, qu’il avait coutume d’exercer alternativement de deux années l’une ; et, malgré les prières et les sollicitations de ses concitoyens, il abandonna honteusement à un autre cette charge et le gouvernail de l’État, comme s’il se sentait incapable de résister à la tempête. Les Achéens envoyèrent donc des ambassadeurs à Cléomène : Cléomène parut d’abord leur imposer des conditions modérées ; mais, ensuite, il leur fit proposer de lui céder le commandement de la ligue, promettant d’arranger à l’amiable les autres sujets de contestation, et de leur rendre sur-le-champ leurs prisonniers et leurs villes. Les Achéens acceptèrent la paix à ces conditions, et le prièrent de se rendre à Lerne[1], où ils devaient tenir l’assemblée de la ligue. Mais Cléomène, qui s’était échauffé par une marche forcée, ayant imprudemment bu de l’eau froide, fut pris d’une violente hémorrhagie et d’une totale extinction de voix. C’est pourquoi il renvoya aux Achéens les plus considérables de leurs prisonniers, remit l’assemblée à un autre temps, et s’en retourna à Lacédémone.

Ce délai ruina entièrement les affaires de la Grèce, laquelle, sans cela, pouvait encore se relever de l’état de faiblesse où elle était réduite, et s’affranchir de l’avarice et de l’insolence des Macédoniens ; mais Aratus, soit par défiance et par crainte de Cléomène, soit qu’il portât envie à ses succès inespérés, ne put souffrir, lui qui avait, pendant trente-trois ans, commandé aux Grecs, qu’un jeune homme vînt tout à coup s’élever sur les débris de sa gloire et de sa puissance, et lui ravir une domination qu’il avait tant accrue par ses travaux et si longtemps conservée. Il chercha d’abord à détourner les Achéens de

  1. Entre Argos et Mycènes.