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possédait ; Mégistonus, son beau-père, en fit autant : puis chacun des amis de Cléomène et tous les autres citoyens suivirent cet exemple. Tout le pays fut partagé ; Cléomène assigna même une portion à chacun de ceux qu’il avait bannis, et promit de les rappeler dès que la tranquillité serait rétablie. Il compléta le nombre des citoyens par les plus honnêtes gens des pays circonvoisins, dont il forma un corps de quatre mille hoplites, qu’il dressa à se servir, pour le combat, de sarisses[1] à deux mains au lieu de javelines, et à porter le bouclier avec une anse, et non point attaché à une courroie. Ensuite il s’appliqua à l’éducation de la jeunesse : il la fit instruire dans la véritable discipline lacédémonienne, et fut puissamment secondé dans cette entreprise par le philosophe Sphérus, qui se trouvait alors dans la ville. Bientôt on vit renaître l’ancien ordre des exercices et des repas publics : la plupart des citoyens se plièrent volontairement à cette antique et généreuse discipline ; les autres, en petit nombre, s’y soumirent par nécessité. Mais, voulant ôter l’odieux du nom de monarchie, il associa au trône son frère Euclidas : ce fut la première et la seule fois que les Spartiates virent régner ensemble deux rois de la même maison.

Cléomène, ne doutant point qu’Aratus et les Achéens, qui voyaient l’état de trouble où le changement qu’il venait de faire avait mis la ville, n’imaginassent qu’il n’oserait ni sortir de Lacédémone, ni la laisser flottante dans une telle agitation, crut qu’il ne lui serait pas moins honorable qu’utile à ses affaires de montrer aux ennemis l’ardeur et la bonne volonté de son armée. Il entra donc en armes sur le territoire de Mégalopolis, y fit un grand dégât, et en remporta un immense butin. Ayant surpris quelques comédiens qui venaient de Messène, il fit dres-

  1. C’était la longue pique macédonienne.