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rois ou les faire périr sans jugement et pour menacer de leur vengeance ceux qui désiraient de revoir dans Sparte le plus beau et le plus divin des gouvernements, ce n’était plus chose supportable. Or, s’il eût été possible d’exterminer, sans effusion de sang, ces pestes depuis longtemps introduites dans Lacédémone, le luxe, les superfluités, les dettes, les usures, et ces fléaux plus anciens encore, les richesses et la pauvreté, je me serais cru le plus heureux dés rois d’avoir, comme un habile médecin, guéri sans douleur les maux de ma patrie. La nécessité qui m’a forcé de recourir à des remèdes violents trouve sa justification dans l’exemple de Lycurgue lui-même, lequel, n’étant ni roi ni magistrat, mais simple particulier qui voulait agir en roi, se rendit en armes sur la place publique, et causa une telle frayeur à Charilaüs, qu’il se réfugia au pied d’un autel[1]. Mais, comme ce roi était naturellement doux, et qu’il aimait sa patrie, il ne tarda pas à partager les sentiments de Lycurgue, et à adopter le changement qu’il proposait dans le gouvernement. La conduite de Lycurgue atteste donc qu’il est extrêmement difficile de changer la constitution d’une ville sans employer la violence et la crainte. J’ai usé de ces moyens le plus modérément qu’il m’a été possible : je me suis contenté de bannir ceux qui s’opposaient au salut de la patrie ; j’ai proposé aux autres de mettre en commun toutes les terres, de décharger les débiteurs du poids des créances, et de faire le discernement et le choix des étrangers, afin que les plus gens de bien, devenus Spartiates, défendent la ville par les armes, et empêchent que la Laconie, faute de défenseurs, ne devienne la proie des Étoliens et des Illyriens. »

 Il fut le premier à mettre en commun tout ce qu’il

  1. Voyez la Vie de Lycurgue dans le premier volume.