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qu’il n’avait pas toujours écrit ses discours tels qu’il les prononçait, mais qu’il ne parlait jamais sans avoir écrit ; il disait même qu’il était d’un orateur populaire de préparer ses discours ; que cette attention prouvait le désir de plaire au peuple ; que le mépris de l’opinion de la multitude sur les discours qu’on prononce devant elle ne convenait qu’à un partisan de l’oligarchie, à un homme qui compte sur la force bien plus que sur la persuasion. On donne encore pour preuve de sa timidité à parler sans préparation, que souvent, lorsqu’il était troublé par le bruit du peuple, Démade se leva pour appuyer ses raisons, ce que Démosthène n’eut jamais à faire pour Démade. D’où vient, dira-t-on, qu’Eschine proclame merveilleuse entre toutes, l’audace que Démosthène montre dans ses discours ? Comment Démosthène fut-il le seul qui se leva pour réfuter Python de Byzance, lequel s’emportait comme un torrent débordé contre les Athéniens ? Lamachus de Myrrhène[1] avait composé un panégyrique des rois Alexandre et Philippe, où il disait beaucoup de mal des Thébains et des Olynthiens, et qu’il vint lire aux jeux olympiques. Démosthène se leva après lui ; et joignant au récit des faits des raisonnements pleins de force, il mit dans tout leur jour les services importants que les Thébains et les Chalcidiens avaient rendus à la Grèce, et, au contraire, tous les maux que lui avaient causés les flatteurs des Macédoniens. Il ramena si bien à son avis tous les auditeurs, que le sophiste, effrayé du tumulte qui s’élevait parmi le peuple, se déroba secrètement hors de l’assemblée.

On peut répondre que Démosthène, en se proposant Périclès pour modèle, négligea les autres parties de cet

  1. On ne sait pas s’il s’agit ici du dème attique de ce nom, ou d’une ville d’Éolie, ou d’une autre dans l’île de Lemnos, qui s’appelaient de même.