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Léonidas une haine implacable ; mais elle se montra bonne et tendre envers son jeune mari, qui, dès le premier jour de leur union, était devenu éperdument amoureux d’elle. Il partageait la tendre affection qu’elle conservait pour Agis, et le plaisir qu’elle prenait à s’en souvenir ; jusque-là que souvent il priait sa femme de lui faire le récit de tout ce qui s’était passé, et donnait la plus grande attention quand elle lui racontait les projets utiles qu’Agis avait conçus.

Cléomène était naturellement ambitieux et plein de grandeur d’âme : il n’avait, par caractère, ni moins de tempérance, ni moins de simplicité qu’Agis ; mais il lui manquait cette douceur et cette modestie que celui-ci avait en quelque sorte portées jusqu’à l’excès. La nature avait mêlé à ses heureuses qualités un aiguillon de colère, une véhémence qui l’entraînait avec ardeur vers tout ce qui lui paraissait honnête. Rien ne lui semblait beau comme de voir ses concitoyens se soumettre volontairement à son autorité ; mais il trouvait beau aussi de vaincre leur résistance, et de leur faire embrasser malgré eux ce qui leur était le plus utile. Il était mécontent de l’état de Sparte, où il voyait les citoyens amollis par l’oisiveté et par les plaisirs, le roi abandonnant le soin des affaires, et se bornant à n’être point troublé dans la jouissance des délices et des voluptés, les intérêts publics entièrement négligés, et chaque particulier s’efforçant d’attirer à soi tout le profit qu’il pouvait faire. Mais l’exemple d’Agis montrait assez le danger qu’il y avait à vouloir seulement parler d’exercer les jeunes gens, de les former à la tempérance, à la patience et à l’égalité.

Cléomène avait étudié, dit-on, dans sa première jeunesse, les doctrines des philosophes, lorsque Sphérus le Borysthénite fit un voyage à Lacédémone, où il séjourna quelque temps, donnant ses soins à instruire les jeunes garçons et les jeunes hommes. Sphérus avait été un