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qu’à cause de la parenté qui les unissait. Il avait fait courir le bruit qu’il serait continué dans la charge d’éphore l’année suivante : ses ennemis, sentant tout le danger qui les menaçait, se liguèrent promptement ensemble ; ils ramenèrent publiquement Léonidas de Tégée, et le rétablirent dans la royauté, à la grande satisfaction du peuple même, irrité d’avoir été pris pour dupe, le partage des terres n’ayant point eu lieu. Agésilas dut la vie à son fils Hippomédon : celui-ci, que sa valeur faisait généralement aimer, fit tant, par ses prières, qu’il obtint la liberté d’emmener son père hors de la ville. Quant aux deux rois, Agis se réfugia dans le temple de Minerve Chalciœcos, et Cléombrotus dans celui de Neptune. C’était surtout à Cléombrotus qu’en voulait Léonidas. : aussi, laissant là Agis, il alla d’abord à Cléombrotus, accompagné d’une troupe de soldats : il lui reprocha, d’un ton plein de colère, de s’être déclaré contre lui, sans respect pour sa qualité de beau-père, et de l’avoir dépouillé de la royauté et chassé de sa patrie.

Cléombrotus, qui n’avait rien à répondre pour sa justification, se tenait assis en silence et dans une grande perplexité. Chélonis, sa femme, fille de Léonidas, avait auparavant partagé le sort de son père, si injustement traité : elle s’était séparée de Cléombrotus lorsqu’il usurpait la royauté, pour consoler Léonidas dans son infortune ; elle s’était rendue suppliante avec lui, et l’avait même suivi dans son exil, toujours affligée et pleine de ressentiment contre son mari : changeant alors avec la fortune, elle alla s’asseoir auprès de Cléombrotus, dans la posture d’une suppliante, le tenant étroitement embrassé, et ayant à ses pieds ses deux enfants, l’un à sa gauche, l’autre à sa droite. Tous les spectateurs admiraient la vertu et la tendresse de cette femme ; mais ils ne purent retenir leurs larmes, lorsque, montrant à Léonidas ses habits de deuil et ses cheveux épars : « Mon père, dit-