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l’abolition des dettes, ou qu’il ait donné droit de cité à des étrangers, lui qui ne connut, pour Sparte, d’autre moyen de conserver sa constitution dans toute sa pureté, que d’en exclure absolument les étrangers ? — Je ne m’étonne pas, repartit Agis, que Léonidas, élevé en pays étranger, et qui s’est marié à la fille d’un satrape, ignore que Lycurgue bannit de Sparte, avec l’or et l’argent, les emprunts et les dettes ; qu’il n’excluait que les étrangers qui refusaient d’adopter les institutions et les mœurs de la ville. Voilà ceux qu’il chassait ; non qu’il en voulût à leurs personnes, mais parce qu’il craignait qu’en se mêlant avec les citoyens, ils ne leur inspirassent, par leur conduite et par leur manière de vivre, l’amour des richesses, du luxe et des délices. Terpandre, Thalès[1] et Phérécyde, tous trois étrangers, mais dont les poésies et les écrits philosophiques consacraient les mêmes principes que les lois de Lycurgue, n’ont-ils pas été singulièrement honorés à Lacédémone ? Mais toi-même, continua-t-il, ne loues-tu pas Ecprépès[2], cet éphore qui coupa, d’un coup de hache, les deux cordes que Phrynis le musicien avait ajoutées à la lyre ? N’approuves-tu pas ceux qui firent la même chose à Timothée[3] ? Et tu me blâmes de vouloir bannir de Sparte le luxe, les délices et les superfluités ! Mais ceux dont tu loues la conduite, qu’ont-ils voulu autre chose, en retranchant de la musique ce qu’elle avait de trop brillant et de trop recherché, sinon de prévenir la corruption qui aurait pu se glisser dans les mœurs publiques, et corrompre la ville, en y introduisant l’inéga-

  1. Ce n’est pas Thalès de Milet, mais un poète et musicien crétois.
  2. Plutarque, dans ses Apophthegmes des Lacédémoniens, le nomme Hémérépès.
  3. Timothée avait porté jusqu’à douze le nombre des cordes de la lyre ; les Lacédémoniens rendirent contre lui un décret sévère.