Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/116

Cette page a été validée par deux contributeurs.

exhortent à seconder les vues du roi ; elles s’adressent aussi aux autres Lacédémoniens, sachant que les Spartiates avaient de tout temps une extrême déférence pour leurs femmes, et leur permettaient de s’entremettre des affaires publiques, plus qu’ils ne faisaient eux-mêmes de leurs affaires privées.

Or, la plus grande partie des richesses de Sparte était alors aux mains des femmes ; et de là vinrent les plus grandes difficultés qu’Agis eut à surmonter. Car, voyant que la réforme qu’il voulait introduire allait les priver, non-seulement des délices dans lesquelles l’ignorance des vrais biens leur faisait placer la félicité, mais encore du pouvoir et des honneurs qu’elles devaient à leurs richesses, elles opposèrent au dessein d’Agis la plus vive résistance. Elles allèrent trouver Léonidas, et l’engagèrent à profiter de l’ascendant que lui donnait son âge, pour réprimer Agis, et arrêter l’exécution de ses projets. Léonidas était très-porté à favoriser les riches ; mais, comme il craignait le peuple, qui désirait ce changement, il n’osa pas se déclarer ouvertement pour eux : il se contenta d’intriguer en secret, afin de traverser et de faire avorter les desseins d’Agis. Il parlait aux magistrats ; il calomniait Agis, l’accusant d’offrir aux pauvres les biens des riches, comme le prix de la tyrannie à laquelle il aspirait, et de vouloir, par un nouveau partage de terres et par l’abolition des dettes, non point donner des citoyens à Lacédémone, mais acheter des satellites pour lui-même. Cependant Agis, qui était parvenu à faire élire Lysandre éphore, présenta aussitôt au Sénat une ordonnance dont les principaux articles étaient : l’abolition générale des dettes ; un nouveau partage des terres qui s’étendaient depuis la vallée de Pallène[1] jusqu’au mont Tay-

  1. Ville d’Arcadie, sur les confins de la Laconie.