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les véritables héritiers ; les richesses se furent bientôt concentrées aux mains d’un petit nombre de citoyens, et la pauvreté s’établit dans la ville : elle en chassa les arts honnêtes, qu’elle remplaça par des arts mercenaires, et y fit entrer avec elle la haine et l’envie contre les riches. Les Spartiates finirent par être réduits à sept cents environ, dont cent à peine possédaient des propriétés et un héritage : tout le reste de la population n’était qu’une tourbe indigente, qui languissait à Sparte dans l’opprobre, et se défendait au dehors mollement et sans courage contre les ennemis, épiant sans cesse l’occasion d’un changement qui la tirât de cet état méprisable.

Agis donc, persuadé avec raison qu’il ne pouvait rien faire de plus utile et de plus beau que de repeupler la ville et d’y rétablir l’égalité, commença par sonder les dispositions des Spartiates. Les jeunes gens entrèrent dans ses vues avec une promptitude qui surpassa ses espérances : ils montrèrent un zèle ardent à embrasser la vertu, et à changer, pour la liberté, leur manière de vivre, aussi facilement qu’on change d’habit. Mais les plus âgés, qui avaient vieilli dans la corruption, comme des esclaves fugitifs qu’on veut ramener à leurs maîtres, frémirent au seul nom de Lycurgue : aussi reprenaient-ils Agis avec humeur, quand il venait déplorer l’état présent des choses, et qu’il regrettait l’ancienne dignité de Sparte. Il n’y eut que Lysandre, fils de Libys, Mandroclidas, fils d’Ecphanès, et Agésilas, qui approuvèrent son dessein, et l’excitèrent à suivre cette louable ambition de réforme. Lysandre était, de tous les Spartiates, le plus considéré ; Mandroclidas, qui avait non moins d’audace que de prudence et d’adresse, était le plus avisé des Grecs pour conduire une affaire ; Agésilas, oncle du roi, était très-éloquent, mais faible d’ailleurs, et fort attaché à ses richesses. Il fut vivement aiguillonné par son