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plus de richesses que tous les Lacédémoniens ensemble, il se roidit avec courage contre les attraits de la volupté. Loin de chercher à plaire par les agréments de sa personne, il rejeta tous les ornements, toutes les parures superflues qui pouvaient rehausser la beauté de son visage ; il fit gloire d’aller vêtu d’un simple manteau, et d’être, dans les repas, les bains, et dans toute sa manière de vivre, l’émule des anciens Spartiates : il disait même qu’il ne désirait être roi que pour faire servir sa puissance au rétablissement des lois et de la discipline de ses pères.

La première cause de la corruption et de l’état de langueur où était tombée la république de Sparte remontait à peu près au temps où, après avoir détruit le gouvernement d’Athènes, les Lacédémoniens s’étaient remplis d’or et d’argent ; cependant, comme on avait conservé le nombre d’héritages qui avait été fixé par Lycurgue[1], et que chaque père transmettait sa part à son fils, le maintien de cet ordre et de cette égalité avait rendu moins funestes les atteintes portées aux autres institutions. Mais un citoyen puissant, nommé Épitadéus, homme fier et d’un caractère opiniâtre, qui avait eu un différend avec son fils, ayant été nommé éphore, fit une loi[2] par laquelle on avait la faculté de laisser sa maison et son héritage à qui l’on voudrait, soit par testament, soit par donation entre-vifs. Épitadéus n’avait proposé cette loi que pour satisfaire son ressentiment particulier ; mais les autres l’acceptèrent, et y donnèrent leur sanction par des motifs d’avarice. Ce fut la ruine de la plus sage de leurs institutions. Les riches acquirent tous les jours sans bornes, en dépouillant de leurs successions

  1. Voyez la Vie de Lycurgue dans le premier volume.
  2. Ῥήτραν. C’est le mot consacré en parlant des lois des Lacédémoniens, et l’on a vu pourquoi dans la Vie de Lycurgue.