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munication des préceptes d’Isocrate et de ceux d’Alcidamas[1] et qu’il les avait étudiés avec fruit.

Dès qu’il eut atteint l’âge légal[2], il intenta un procès à ses tuteurs, et composa lui-même ses plaidoyers. Mais les accusés faisaient tant par leurs chicanes, qu’ils obtenaient chaque jour de nouveaux délais. Démosthène se façonna, comme dit Thucydide, par ce rude labeur[3], et finit par gagner son procès, non sans beaucoup de peine et de danger ; et encore ne put-il retirer des mains de ses tuteurs qu’une très-petite portion de son patrimoine. Mais il avait acquis l’habitude et la hardiesse de parler en public ; et ce premier essai de l’honneur et du crédit que procurait l’éloquence lui donna le désir de se produire dans les assemblées, et de s’entremettre des affaires publiques. Laomédon d’Orchomène, pour se guérir d’une maladie de rate, s’était exercé, dit-on, d’après l’avis de ses médecins, à faire de longues courses : rétabli par cet exercice violent, il alla disputer les couronnes dans les jeux, et devint un des plus agiles coureurs du stade. Il en fut de même de Démosthène. Il commença de plaider pour ses propres affaires ; et, après avoir acquis, par ce premier exercice, de l’habileté et de la force dans l’art de la parole, il se jeta au milieu des luttes politiques, comme on fait dans celles où l’on dispute des couronnes, et se plaça au premier rang entre tous les rivaux qui combat-

  1. Alcidamas n’est guère connu que par les attaques fréquentes d’Aristote dans sa Rhétorique, qui donneraient à croire que c’était un maître d’un goût fort suspect.
  2. Dix-sept ans.
  3. On ne trouve pas dans Thucydide l’expression que Plutarque semble lui emprunter. On a conjecturé qu’il y avait ici quelque chose de corrompu dans le texte, et que Plutarque avait probablement parlé de l’ardeur avec laquelle Démosthène s’était mis à étudier les écrits de Thucydide. Mais la phrase est très-claire, et l’on ne voit pas bien ce que l’on y pourrait substituer.