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LUCULLUS.

vu. Il passa, dans la marche triomphale, quelques cavaliers bardés de fer, dix chariots armés de faux, et soixante courtisans ou généraux des rois. On traînait après eux cent dix grands navires armés d’éperons d’airain, puis une statue d’or de Mithridate, de six pieds de hauteur, son bouclier garni de pierres précieuses, vingt coffres pleins de vaisselle d’argent, trente-deux autres pleins de vaisselle d’or, d’armes du même métal, et d’or monnayé : ces coffres étaient portés par des hommes. Huit mulets portaient des lits d’or, cinquante-six autres de l’argent en lingots, et cent sept de l’argent monnayé, qui se montait à peu près à deux millions sept cent mille drachmes[1]. Il y avait enfin des registres où étaient inscrites les sommes que Lucullus avait fournies à Pompée pour la guerre contre les pirates, celles qu’il avait remises aux questeurs, et, dans un compte à part, les neuf cent cinquante drachmes[2] qu’il avait distribuées par tête à ses soldats. Ce triomphe fut suivi d’un superbe festin, où Lucullus convia la ville et les bourgs des environs.

Il répudia sa femme Clodia pour sa méchanceté et sa vie scandaleuse, et épousa Servilia, sœur de Caton. Ce mariage ne fut pas heureux non plus : un seul des vices de Clodia manquait à Servilia, c’était d’avoir été corrompue par son frère ; même débauche d’ailleurs, même dissolution. Lucullus prit sur lui quelque temps de la supporter, par respect pour Caton ; mais enfin il la répudia.

Il avait fait concevoir au Sénat de merveilleuses espérances : on croyait trouver en lui un contre-poids à la tyrannie de Pompée, et un rempart pour l’aristocratie ; mais il démentit l’espoir qu’avaient fait naître sa gloire et son crédit : il abandonna complètement l’administra-

  1. Environ deux millions quatre cent trente mille francs.
  2. Environ huit cent cinquante-cinq francs.