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dû à la république ; et en même temps il paya, sans aucun délai et sans marchander, tout ce qu’elle devait. Le peuple conçut pour Caton un profond respect, quand il vit ceux qui avaient compté frustrer le trésor contraints de payer leurs dettes, et ceux qui avaient cru leurs créances perdues, exactement remboursés. Plusieurs se présentaient au trésor avec des acquits qui n’étaient pas en règle et de fausses ordonnances ; et les questeurs, avant lui, cédant aux prières des intéressés, ne manquaient guère de recevoir leurs pièces comme valides. Caton n’eut pour personne de pareilles complaisances. Il portait même si loin la vigilance à cet égard, que, doutant de la validité d’une ordonnance, quoique certifiée par plusieurs témoins, il ne se rendit point aux assurances qu’on lui donnait, et refusa d’allouer l’ordonnance, jusqu’à ce que les consuls fussent venus en affirmer par serment l’authenticité.

Il y avait plusieurs assassins dont Sylla s’était servi, dans sa seconde proscription, pour égorger les victimes, et qui avaient reçu, pour prix de chaque tête, jusqu’à douze mille drachmes[1]. Tout le monde les détestait, comme des impies et des scélérats ; mais personne n’osait provoquer la punition de leurs crimes. Caton les cita l’un après l’autre devant les tribunaux, comme détenteurs des deniers publics : il leur fit rendre gorge, et leur reprocha, avec autant de vérité que d’indignation, les sacrilèges horreurs dont ils s’étaient rendus coupables. Accusés ensuite d’homicide, et déjà condamnés d’avance par l’ignominie de ce premier jugement, on les traduisait devant les juges, et on les livrait au supplice, à la satisfaction de tous les citoyens, qui croyaient voir effacer la tyrannie de ces temps affreux, et Sylla lui-même puni de ses forfaits.

  1. Plus de dix mille francs de notre monnaie.