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gouverner une ville ainsi disposée ; car, si elle entraîne dans sa ruine celui qui la flatte, ce n’est qu’après avoir sacrifié celui qui ne la flatte point.

Les mathématiciens disent que le mouvement du soleil n’est pas tout à fait le même que celui du ciel, quoique pourtant il ne lui soit pas entièrement opposé ; mais qu’il suit un cours oblique, et décrit dans son inclinaison une ligne spirale, dont la révolution lente et flexible assure la conservation de toutes choses, en donnant à l’univers la température qui lui convient. Aussi un gouvernement toujours tendu, et qui s’oppose en tout aux volontés du peuple, est trop rude et trop dur ; tandis que celui qui cède à ceux qui s’égarent et attirent à eux la multitude, est comme un précipice glissant et dangereux. La politique qui tient le milieu, qui sait céder à propos au peuple, afin qu’il obéisse dans d’autres occasions, et qui ne lui accorde une chose agréable que pour en obtenir une utile, est certainement la meilleure ; car alors les peuples, voyant qu’on ne veut pas les gouverner par la force, ni exercer sur eux un pouvoir despotique, se laissent conduire par la douceur, et font ce qu’exige leur véritable intérêt. Il est vrai que ce milieu est difficile à garder, et qu’il faut, pour cela, savoir mêler ensemble la douceur et la dignité, ce qui n’est pas aisé à faire ; mais, quand on y est parvenu, c’est la plus parfaite de toutes les consonnances et de toutes les harmonies, et celle qui est le plus conforme aux lois de la musique : c’est par elle que Dieu gouverne le monde, où rien ne se fait par violence, et où la persuasion et la raison tempèrent toujours la nécessité de l’obéissance.

Une extrême sévérité caractérisait Caton le jeune : ses mœurs n’avaient rien de doux, ni qui fût capable de plaire au peuple, et de le persuader ; ce qui fit qu’il n’eut jamais aucun crédit dans la république. Cicéron dit, en parlant de lui, que, pour avoir voulu gouverner