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que, pour consacrer la douceur avec laquelle il avait usé de la victoire, on bâtirait un temple à la Clémence. En effet, il avait pardonné à la plupart de ceux qui avaient porté les armes contre lui ; il donna même à quelques-uns d’entre eux des dignités et des emplois, ainsi à Brutus et à Cassius, qu’il nomma tous deux préteurs. Il ne vit pas avec indifférence qu’on eût abattu les statues de Pompée, et il les fit relever ; et Cicéron dit, à ce sujet, que César, en relevant les statues de Pompée, avait affermi les siennes. Ses amis l’engageaient à prendre des gardes pour sa sûreté ; plusieurs même d’entre eux s’offraient à lui en servir. Il refusa, disant : « Il vaut mieux mourir une fois, que d’appréhender la mort à toute heure. » Persuadé que l’affection du peuple était la plus honorable sauvegarde et la plus sûre dont il pût s’entourer, il s’appliqua de nouveau à gagner les citoyens par des repas publics et des distributions de blé, et les soldats par l’établissement de nouvelles colonies. Les plus considérables furent Corinthe et Carthage[1] : ainsi, par une étrange fortune, ces deux villes, détruites en même temps, furent en même temps rétablies alors. Il ralliait les grands à sa cause, en promettant aux uns des consulats et des prétures, en consolant les autres de leurs pertes par des charges et des honneurs ; il donnait à tous des espérances, et cherchait à rendre la soumission volontaire. Le consul Maximus étant mort la veille de l’expiration de son consulat, César nomma Caninius Rébilius consul pour le seul jour qui restait ; et, comme on allait en foule, suivant l’usage, chez le nouveau consul, pour le féliciter, et l’accompagner au Sénat : « Hâtons-nous, dit Cicéron, de peur qu’il ne sorte de charge avant notre arrivée. »

  1. Il est bien vrai que ce lui César qui rebâtit Corinthe ; mais Carthage ne fut rétablie que par Auguste.