Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/551

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’on ajouta ainsi aux dépenses ordinaires de l’année. Cette mesure fit évanouir pour le moment la crainte du Sénat ; elle affaiblit et dissipa même en grande partie l’influence de César : résultat bien opportun, si l’on songe que César était préteur désigné, et que cette magistrature allait le rendre encore plus redoutable. Cependant il ne s’éleva point de trouble pendant sa préture ; mais il lui arriva à lui-même une aventure domestique fort désagréable.

Publius Clodius était un jeune patricien distingué par ses richesses et par son éloquence, mais qui ne le cédait, pour l’insolence et l’audace, à aucun des hommes les plus fameux par leur scélératesse. Il aimait Pompéia, femme de César ; Pompéia, de son côté, ne le voyait pas de mauvais œil ; mais son appartement était gardé avec le plus grand soin : Aurélia, mère de César, femme d’une grande vertu, veillait de si près sa belle-fille, que les rendez-vous des deux amants étaient difficiles et dangereux. Les Romains ont une divinité qu’ils nomment la Bonne-Déesse, comme les Grecs ont leur Gynécéa[1]. Les Phrygiens la revendiquent pour leur pays, alléguant qu’elle était mère du roi Midas ; mais les Romains prétendent que c’est une nymphe dryade, qui eut commerce avec le dieu Faune ; et les Grecs, celle des mères de Bacchus qu’il n’est pas permis de nommer : de là suivant eux, ces branches de vigne dont les femmes couvrent leurs tentes pendant la fête, et ce dragon sacré qui se lient, à ce que l’on conte, au pied de la statue de la déesse. Tant que durent les mystères, il n’est permis à aucun homme d’entrer dans la maison où on les célèbre. Les femmes, retirées dans un lieu séparé, pratiquent plusieurs cérémonies conformes à celles qu’on observe dans les mystères d’Orphée. Lorsque le temps de la fête est venu,

  1. Ce mot signifie la déesse des femmes.