Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/544

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

para de tout leur butin. Il les remit en dépôt dans la prison de Pergame, et alla trouver Junius, à qui il appartenait, comme préteur d’Asie, de les punir. Junius jeta un œil de cupidité sur l’argent, qui était considérable, et dit qu’il examinerait à loisir ce qu’il ferait des prisonniers. César, laissant là le préteur, retourna à Pergame, et fit mettre en croix tous les pirates, comme il le leur avait souvent annoncé dans l’île avec un air de plaisanterie.

À quelque temps de là, lorsque la puissance de Sylla commençait à s’affaiblir, ses amis de Rome rengagèrent à revenir en Italie. Il se rendit à Rhodes, pour y prendre des leçons d’Apollonius, fils de Molon[1], dont Cicéron avait été le disciple : Apollonius enseignait la rhétorique avec un grand succès, et avait d’ailleurs la réputation d’un homme vertueux. César, né avec les dispositions les plus heureuses pour l’éloquence politique, avait cultivé, dit-on, avec un soin extrême, ce talent naturel ; il tenait, sans contredit, le second rang parmi les orateurs de Rome ; quant au premier, il y avait renoncé, préférant à cette gloire la supériorité que donnent le pouvoir et les armes. Détourné par d’autres soins, il ne s’éleva point, dans l’éloquence, à la perfection où l’appelait la nature ; il se livra uniquement aux travaux militaires et au maniement des affaires politiques, qui le conduisirent à la suprême puissance. Aussi, dans la réponse qu’il fit longtemps après au Caton de Cicéron[2], il prie les lecteurs de ne pas comparer le style d’un homme de guerre avec celui d’un orateur habile, et qui s’occupait à loisir de ces sortes d’études.

  1. Il n’était pas fils Molon, mais il se nommait Apollonius Molon.
  2. C’était un pompeux éloge de Caton d’Utique, auquel César répondit par une satire violente contre le même personnage, sous le titre d’Anti-Caton. Ces deux ouvrages n’existent plus.