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LUCULLUS.

ayant atteints près du Granique[1], il leur fit un grand nombre de prisonniers, et leur tua vingt mille hommes. On assure qu’il périt dans cette guerre trois cent mille hommes au moins, tant des soldats que des gens qui suivaient l’armée.

Lucullus revint d’abord à Cyzique, où il reçut l’accueil le plus flatteur et les marques d’une reconnaissance méritée. Il parcourut ensuite les côtes de l’Hellespont, pour rassembler une flotte ; il descendit dans la Troade, et dressa sa tente dans le temple de Vénus. La nuit, pendant son sommeil, il crut voir la déesse debout près de lui, et qui lui disait :

Pourquoi dors-tu, lion magnanime ? les faons ne sont pas loin.


Il se lève, appelle ses amis, quoiqu’il fût encore nuit, et leur raconte sa vision. En même temps arrivent des gens d’Ilium pour lui dire qu’on avait aperçu, près du port des Grecs, treize galères à cinq rangs de rames de la flotte du roi, qui voguaient vers Lemnos[2].

Il s’embarque à l’instant, va s’emparer de ces galères, et tue Isidore, leur commandant ; de là il courut attaquer les autres capitaines, qui étaient à l’ancre dans la rade. À son approche, ceux-ci rangèrent leurs vaisseaux le long du rivage, combattirent de dessus le tillac, et blessèrent plusieurs des soldats de Lucullus. La nature du lieu ne permettait ni d’envelopper les ennemis, ni de forcer, avec des navires agités par les flots, leurs vaisseaux solidement appuyés contre la côte. Mais Lucullus finit par découvrir un endroit par où l’on pouvait descendre dans l’île, et y débarqua ses meilleurs soldats,

  1. Rivière de Mysie qui se jette dans la Protontide.
  2. Île de la mer Égée, à l’occident de la Mysie et de la Phrygie.