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LUCULLUS.

les Romains campés sur les hauteurs, et leur disaient : « Voyez-vous là ces troupes ? ce sont des Arméniens et des Mèdes que Tigrane a envoyés au secours de Mithridate. » Et les assiégés s’effrayaient de se voir environnés de cette multitude innombrable d’ennemis, n’espérant pas que l’arrivée de Lucullus pût leur être d’aucun secours. Cependant Démonax, qui leur fut envoyé par Archélaüs, leur apprit le premier que Lucullus était auprès d’eux. D’abord ils n’en voulurent rien croire : ils s’imaginèrent que c’était une fausse nouvelle qu’on leur donnait pour les rassurer. Dans ce moment, un jeune prisonnier, qui s’était échappé des mains des ennemis, arrive dans la ville. On lui demanda où était Lucullus : le jeune homme se met à rire, croyant qu’on plaisantait ; mais, voyant qu’on parlait sérieusement, il montra de la main le retranchement des Romains ; et les Cyzicéniens reprirent courage.

Le lac appelé Dascylitide porte d’assez grands bateaux. Lucullus y prit le plus grand qu’il y eût, et le fit conduire sur un chariot jusqu’à la mer, y embarqua autant de soldats qu’il en pouvait contenir, et l’envoya à Cyzique. Ils passèrent, à la faveur de la nuit, sans être aperçus, et entrèrent dans la ville.

Il parut aussi que les dieux, touchés de la bravoure des Cyzicéniens, voulurent accroître leur confiance par plusieurs signes frappants. Ainsi, par exemple, la fête de Proserpine approchait ; les habitants, qui n’avaient pas de génisse noire pour le sacrifice, en tirent une de pâte, et la présentèrent à l’autel. Or, la génisse consacrée qu’on nourrissait pour la déesse, et qui avait, comme les autres troupeaux des Cyzicéniens, ses pâturages de l’autre côté du détroit, quitta ce jour-là le troupeau, traversa seule à la nage le bras de mer, entra dans la ville, et se présenta d’elle-même pour le sacrifice. La déesse apparut en songe à Aristagoras, greffier du peuple : « Je viens en