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fuite les Scythes, et les avait poursuivis pendant plus de cent stades[1], tout incommodé qu’il fût par la dysenterie. C’est là que la reine des Amazones le vint trouver, s’il faut en croire la plupart des historiens, entre autres Clitarque, Polycritus, Antigène, Onésicritus et Ister ; mais Aristobule, Charès de Théangèle[2], Ptolémée, Anticlide, Philon le Thébain, Philippe de Théangèle, et, avec eux, Hécatée d’Érétrie, Philippe le Chalcidien et Duris de Samos, assurent que cette visite est une pure fable. Alexandre lui-même semble autoriser leur sentiment dans une de ses lettres à Antipater, où il fait un récit exact et détaillé de ce qui s’était passé dans cette expédition : il dit que le roi scythe lui offrit sa fille en mariage ; mais il ne fait point mention d’Amazone. On ajoute que, plusieurs années après, Onésicritus lisant à Lysimachus, qui était déjà roi, son quatrième livre, dans lequel il raconte la visite de l’Amazone, Lysimachus lui dit en souriant : « Et moi, où étais-je donc alors ? » Au reste, qu’on croie ce fait ou qu’on le rejette, on n’en aura ni plus ni moins d’admiration pour Alexandre.

Comme il craignait que les Macédoniens ne se rebutassent, et ne voulussent plus le suivre dans ce qui lui restait à faire de son expédition, il laissa dans leurs quartiers la plus grande partie de ses troupes, et poussa en avant dans l’Hyrcanie, accompagné de l’élite de son armée, au nombre de vingt mille hommes de pied et de trois mille chevaux. « Jusqu’à présent, dit-il, les Barbares ne nous ont vus qu’en songe ; si, contents d’avoir jeté l’alarme dans l’Asie, nous nous en retournons en Macédoine, ils vont tomber sur nous comme sur des femmes. Cependant, ajouta-t-il, je permets de se retirer à tous ceux qui le voudront ; mais je prendrai contre eux les

  1. Environ cinq lieues.
  2. Ville de Carie.