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LUCULLUS.

ser le parti des Romains, assurait Lucullus qu’il n’avait qu’à se montrer dans le Pont pour soumettre d’un seul coup tout le pays. « Je ne suis pas, dit Lucullus, plus lâche que les chasseurs ; et je ne laisserai pas les bêtes pour courir au gîte qu’elles ont quitté. » Aussitôt il marche contre Mithridate, avec trente mille hommes de pied et deux mille cinq cents chevaux. Mais, quand il fut à portée ; de découvrir les ennemis, étonné de leur grand nombre, il voulait éviter le combat et gagner du temps, lorsque Marius[1], que Sertorius avait envoyé d’Espagne à Mithridate à la tête de quelques troupes, vint en face le provoquer au combat : il mit donc son armée en ligne, et s’apprêta à la bataille.

On était sur le point de charger des deux parts, quand tout à coup, sans qu’il eût paru aucun changement dans l’air, le ciel se fendit, et l’on vit tomber entre les deux camps un grand corps enflammé qui avait la forme d’un tonneau, et une couleur d’argent incandescent : les deux armées, également effrayées du prodige, se séparèrent sans combattre. Ce phénomène parut, dit-on, dans un endroit de la Phrygie appelé Otryes. Mais Lucullus, considérant qu’il n’y avait point de provisions ni de richesses qui pussent suffire longtemps à entretenir une armée aussi nombreuse que celle de Mithridate, surtout en présence de l’ennemi, se fit amener un des prisonniers, et lui demanda combien il y avait de soldats dans chaque tente, et quelle quantité de blé il avait laissée dans la sienne. Le prisonnier ayant répondu, il le renvoya, en fit venir un second et un troisième, auxquels il fit les mêmes questions. Puis, comparant la quantité de blé avec le nombre de soldats à nourrir, il reconnut que les ennemis manqueraient de vivres dans trois ou quatre jours. Il se

  1. C’était peut-être quelque parent du fameux Marius. Mais Appien donne à ce personnage le nom de Varius.