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d’un lit à un autre. » Après cette insulte, faite dans la chaleur du vin, il prit sa mère Olympias, qu’il conduisit en Épire, et se retira lui-même en Illyrie. Sur ces entrefaites, Démaratus le Corinthien, un des hôtes de la famille, et qui avait son franc parler, vint visiter Philippe. Philippe, après les premiers témoignages d’amitié, lui demanda si les Grecs vivaient entre eux en bonne intelligence : « Vraiment, Philippe, lui répondit Démaratus, c’est bien à toi à t’inquiéter de la Grèce, quand tu as rempli ta propre maison de dissensions et de malheurs ! » Philippe, à ce reproche, rentra en lui-même ; et il envoya Démaratus auprès d’Alexandre, qui, à sa persuasion, retourna chez son père.

Cependant Pexodorus, satrape de Carie, qui voulait, à la faveur d’un mariage, se glisser dans une alliance offensive et défensive avec Philippe, avait formé le dessein de faire épouser l’aînée de ses filles à Arrhidée, fils de Philippe, et avait dépêché à ce sujet Aristocritus en Macédoine. Aussitôt les amis d’Alexandre et sa mère Olympias recommencent leurs propos et leurs accusations, insinuant que Philippe préparait à Arrhidée, par un mariage brillant, et par l’autorité dont il allait le revêtir, les voies au trône de Macédoine. Alexandre, troublé par ces soupçons, envoie en Carie Thessalus le tragédien, pour représenter à Pexodorus qu’il valait mieux laisser là le bàtard, qui d’ailleurs avait l’esprit aliéné, et prendre Alexandre à la place. Cette proposition souriait à Pexodorus bien plus que la première ; mais Philippe eut vent de l’intrigue : il prend avec lui Philotas, fils de Parménion, l’un des amis et des confidents d’Alexandre ; il va trouver celui-ci dans son appartement, et le réprimande dans les termes les plus vifs et les plus amers, le traitant de lâche, et qui se montrait indigne des grands biens qui lui étaient destinés, en recherchant l’alliance d’un Carien, de l’esclave d’un roi barbare. Il écrivit aux Corinthiens