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LUCULLUS.

considérable. Lucullus l’eut à peine aperçu, qu’il prit les devants sur une galère rhodienne à cinq rangs de rames, commandée par Démagoras, homme tout dévoué aux Romains et très-expérimenté dans les combats de mer. Néoptolème vogue sur lui à force de rames, et ordonne à son pilote de heurter de sa proue le navire assaillant. Démagoras, qui craignait le choc de la capitainesse, galère pesante et armée d’éperons d’airain, n’osa pas l’attendre proue contre proue : il commanda de virer à l’instant de bord, et de présenter la poupe ; de cette façon, le coup porta dans les parties basses qui sont toujours sous l’eau, et n’endommagea point le navire. Cependant les Romains arrivaient : Lucullus ordonna qu’on retournât en avant la proue de la galère ; il fit dans ce combat mainte action mémorable, mit les ennemis en fuite, et donna la chasse à Néoptolème.

Lucullus alla ensuite rejoindre Sylla qui se disposait à partir de la Chersonèse ; il assura son passage, et l’aida au transport de son armée. Quand la paix fut conclue, et que Mithridate se fut retiré dans le Pont-Euxin, Sylla mit sur l’Asie une contribution de guerre de vingt mille talents[1], et chargea Lucullus de lever cette somme, et d’en faire frapper une monnaie au coin romain. La manière dont il se conduisit fut pour les villes une consolation de la dureté avec laquelle Sylla les avait traitées : il se montra non-seulement désintéressé et juste, mais plein de douceur dans l’accomplissement de cette cruelle et odieuse mission.

Les Mityléniens étaient en pleine révolte ; cependant il désirait les voir venir à résipiscence, pour n’avoir qu’à les punir légèrement du tort qu’ils avaient eu de suivre le parti de Marius ; mais, comme ils s’obstinèrent dans leur résolution, il les attaqua avec sa flotte, les défit en

  1. Cent vingt millions environ de notre monnaie.