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tant il faillit être entièrement défait et perdre son armée. Pompée combattit avec un tel courge, qu’il mit ses troupes en déroute, et lui tua deux mille hommes ; mais il ne put, ou plutôt il n’osa pas presser les fuyards et entrer avec eux dans le camp. Aussi César dit-il à ses amis : « Aujourd’hui la victoire était aux mains des ennemis, s’ils avaient eu un chef qui sût vaincre. »

Ce succès inspira aux troupes de Pompée une excessive confiance : on ne parla plus désormais que de terminer promptement la guerre par une action générale. Pompée lui-même écrivit aux rois, aux généraux et aux villes de son parti, comme s’il était déjà vainqueur. Il redoutait pourtant de s’exposer au danger d’une bataille ; il comptait miner par le temps et par la disette des hommes invincibles sous les armes, accoutumés depuis longtemps à toujours vaincre, quand ils combattaient ensemble, mais hors d’état, par leur vieillesse, de soutenir les autres travaux de la guerre, de faire de longues marches, de décamper tous les jours, de creuser des tranchées, de bâtir des murailles, et qui étaient pressés, pour cette raison, d’en venir aux mains et de livrer combat. Malgré tous ces motifs, Pompée eut bien de la peine à persuader à ses gens de se tenir tranquilles ; mais, lorsque César, à la suite de son échec, eut été forcé de décamper pour échapper à la disette, et de gagner la Thessalie, par le pays des Athamanes[1], il ne fut plus possible à Pompée de contenir la fierté de ses soldats : « César fuit, » s’écriaient-ils ; les uns voulaient qu’on se mît à sa poursuite, les autres qu’on retournât en Italie ; il y en eut qui envoyèrent leurs domestiques ou leurs amis à Rome, pour y retenir des maisons proche du Forum, espérant briguer bientôt des charges. Plusieurs firent voile de leur chef vers Lesbos, pour aller annoncer à Cornélie que la guerre était terminée.

  1. Canton de l’Épire, près du Pinde.