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CIMON.

Tous ses actes politiques, tant qu’il fut présent dans Athènes, tendirent à réprimer, à contenir le peuple, qui mettait aux nobles le pied sur la gorge, et tâchait d’attirer à soi tout le pouvoir du gouvernement ; mais il eut à peine repris le commandement de la flotte que la multitude, délivrée de tout frein, changea l’ancien ordre de choses, et renversa les lois et les coutumes antiques. Éphialte, à la tête de ce parti, et soutenu par Périclès qui commençait à jouir d’une haute influence, et qui s’était déclaré pour la cause populaire, ôta au Sénat de l’Aréopage la plus grande partie des causes dont la connaissance lui était attribuée, se rendit maître des tribunaux, et jeta la ville dans une pure démocratie. Cimon, à son retour, s’indigna de voir ainsi avilir la dignité du Sénat ; il mit tout en œuvre pour le remettre en possession des jugements, et pour raviver le gouvernement aristocratique, tel que l’avait institué Clisthène[1]. Mais ses ennemis se liguèrent contre lui, et soulevèrent le peuple par leurs clameurs, en renouvelant les bruits qui avaient couru autrefois de son commerce avec sa sœur, et en lui reprochant son attachement pour les Lacédémoniens. C’est à quoi font allusion ces vers d’Eupolis si connus, où il dit de Cimon :

Il n’était point méchant homme, mais sujet au vin et insouciant.
Et de temps en temps il allait dormir à Lacédémone,
Laissant seule la pauvre Elpinice.


Mais si, tout insouciant et tout ivrogne qu’on le fait, il prit tant de villes et remporta tant de victoires, il est certain que s’il eût été sobre et vigilant, pas un Grec, ni avant ni après lui, n’eût surpassé ses exploits. Il est vrai qu’il montra de tout temps un penchant pour les

  1. Un de ceux qui avaient le plus puissamment contribué à l’expulsion des Pisistratides, et à rétablir le bon ordre dans Athènes.