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bles, quand ils seraient des hommes, de prendre leur part aux affaires et au pouvoir. Les pères étaient tout joyeux de voir leurs fils, vêtus de robes bordées de pourpre, se rendre aux écoles avec décence, et Sertorius payer toute la dépense de leur éducation, les examiner souvent lui-même, distribuer des récompenses à ceux qui se distinguaient, et leur donner de ces ornements d’or qu’on suspend au cou, et que les Romains appellent bulles.

C’était un usage, en Espagne, que les guerriers qui formaient la garde du général se dévouassent à mourir avec lui s’il venait à être tué : c’est ce que les Barbares de ce pays nomment libation. Les autres chefs avaient peu de ces écuyers ou compagnons d’armes, qui se consacrassent à mourir avec eux ; Sertorius était suivi de milliers de soldats qui avaient fait pour lui ce serment. Un jour, dit-on, son armée ayant été mise en déroute près de je ne sais quelle ville, les Espagnols, quoique poursuivis de près par les ennemis, oublièrent le soin de leurs propres personnes, pour sauver Sertorius : ils l’enlevèrent sur leurs épaules, se le passèrent de l’un à l’autre jusqu’aux murailles de la ville, et ne songèrent à fuir eux-mêmes que lorsqu’il fut en sûreté.

Cet amour, ce n’étaient pas seulement les Espagnols qui le lui portaient, mais bien aussi les troupes qui venaient d’Italie. Perpenna Vento, attaché au parti de Sertorius, était arrivé en Espagne avec une armée nombreuse et de grandes sommes d’argent, et il voulait faire seul de son côté la guerre à Métellus. Ses soldats en témoignèrent tout haut leur mécontentement : il n’était question dans le camp, que de Sertorius, et cette préférence mortifia Perpenna, tout fier de sa naissance et de ses richesses. Mais, lorsqu’on apprit que Pompée passait les Pyrénées, les soldats de Perpenna prirent leurs armes, arrachèrent les enseignes, et pressèrent à grands cris leur général de les