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autres jeunes gens, firent juger dès lors qu’il serait toute sa vie un homme prompt et expéditif. Parvenu à la dignité de général, il ne relâcha rien de son audace de soldat : il fit des actions admirables, et, en s’exposant sans ménagement dans les combats, il perdit un œil, difformité dont il ne cessa depuis de se faire gloire. « Les autres, disait-il, ne portent pas continuellement les témoignages de leur valeur, et quittent souvent leurs colliers, leurs piques et leurs couronnes : moi, au contraire, j’ai toujours sur moi les marques de mon courage, et nul ne voit la perte que j’ai faite, sans être en même temps le spectateur de ma vertu. » Aussi fut-il, de la part du peuple, l’objet d’une distinction bien honorable. Le première fois qu’il parut au théâtre, il fut reçu par des applaudissements et des acclamations. Néanmoins, lorsqu’il demanda le tribunat, la faction de Sylla le fit refuser ; et de là sans doute vint sa haine contre Sylla.

Après que Marius, vaincu par Sylla, eut pris la fuite, et que Sylla fut parti pour faire la guerre contre Mithridate, Octavius, l’un des consuls, resta dans le parti de Sylla, tandis que Cinna, qui ne demandait que changements, chercha à ranimer les restes du parti de Marius. Sertorius se joignit à Cinna, avec d’autant plus d’empressement qu’il voyait Octavius agir lentement et se défier des amis de Marius. Il se livra, sur le Forum, un grand combat entre les deux consuls : Octavius fut vainqueur, et Cinna prit la fuite avec Sertorius, en laissant près de dix mille hommes sur le champ de bataille. Mais ils firent entrer dans leurs intérêts la plupart des corps d’armée disséminés par l’Italie, et furent bientôt en état de lutter contre Octavius.

Marius fit voile d’Afrique en Italie pour venir se joindre à Cinna, comme un simple particulier à son consul : tous les officiers furent d’avis de le recevoir ; Sertorius