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Il ne s’arrêta à rien, en présence de ses amis ; il roula longtemps dans son esprit les projets contraires que lui suggérait sa situation critique ; puis il finit par ranger l’armée en bataille, exhortant les Grecs et les barbares à se bien conduire : pour la phalange et les Argyraspides, ils furent les premiers à l’encourager lui-même, et à l’assurer que les ennemis ne tiendraient pas. C’étaient les plus vieux soldats qui eussent servi sous Philippe et sous Alexandre ; tels que des athlètes invincibles, ils n’avaient, jusqu’à ce jour, jamais essuyé d’échec ; beaucoup étaient âgés de soixante-dix ans, et le plus jeune n’en avait pas moins de soixante. Aussi chargèrent-ils les soldats d’Antigonus, en criant : « Scélérats, c’est à vos pères que vous vous prenez ! » Ils tombent sur eux avec furie, et ils enfoncent leurs bataillons ; pas un ne put soutenir ce choc, et presque tous furent taillés en pièces. Antigonus fut complètement battu ; mais sa cavalerie remporta la victoire sur Peucestas, qui combattit avec la dernière mollesse et la plus grande lâcheté. Antigonus s’empara de tout le bagage. Il avait conservé tout son sang-froid au milieu du péril, et d’ailleurs la nature du lieu l’avait favorisé : c’était une vaste plaine, ni trop ferme ni trop molle, mais couverte d’un sable fin et sec, qui, remué par les évolutions de tant de chevaux et d’hommes, élevait, au moment du combat, une poussière blanche comme de la chaux, qui épaississait l’air, obscurcissait la vue, et dont Antigonus profita pour enlever, sans être aperçu, le bagage des ennemis.

À peine le combat avait-il cessé, que Teutamus envoya réclamer les bagages. Antigonus promit de les rendre aux Argyraspides, et de leur donner toute sorte de marques de bonté, si on lui remettait Eumène entre les mains. Les Argyraspides, sur cette réponse, prennent l’infâme résolution de le livrer vivant aux ennemis. D’abord ils s’approchent de sa personne, de manière à ne