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leur carré dans un vaste cercle. Crassus fit sortir des rangs et lança à la course ses vélites ; mais ceux-ci n’allèrent pas loin. Accueillis par une grêle de flèches, ils se replièrent au sein de la phalange. C’est ce qui commença le désordre et la crainte : on s’effrayait à la vue de ces traits, lancés avec tant de roideur et de force qu’ils brisaient toutes les armures, et traversaient aussi bien les corps durs que ceux qui cèdent. Les Parthes se retirèrent à distance, et ils commencèrent à lancer des flèches de loin de tous les côtés à la fois, sans s’occuper de viser juste ; car les Romains étaient si serrés et si épais que, quand on aurait voulu manquer son coup, il aurait été impossible de ne pas atteindre un homme. Et ils portaient des coups d’une force et d’une violence extrêmes : leurs arcs étaient si puissants, si grands, d’une courbure si flexible, qu’ils lançaient le trait avec une irrésistible impétuosité. Les Romains se trouvaient donc dès lors dans une situation fort fâcheuse. S’ils restaient fermes dans leurs rangs, ils recevaient des blessures ; s’ils essayaient d’en venir aux mains, ils ne pouvaient faire de mal à l’ennemi, et ils n’en étaient pas moins maltraités. Car les Parthes leur échappaient tout en leur lançant des flèches : ce qu’ils font mieux qu’aucune autre nation, sauf celle des Scythes. Et cela est sagement fait, puisqu’en repoussant l’ennemi, outre qu’ils se sauvent, ils ôtent à la fuite ce qu’elle a de honteux.

Tant que les Romains espérèrent qu’après avoir épuisé leurs flèches les Parthes cesseraient le combat ou qu’ils en viendraient aux mains, ils soutinrent bravement l’attaque. Mais, lorsqu’on sut que près de se tenaient un grand nombre de chameaux chargés de flèches, et que les premiers rangs qui avaient donné en allaient reprendre en faisant un circuit, alors Crassus, ne voyant plus de terme à ses maux, perdit courage. Il envoya vers son fils un courrier, lui ordonnant d’observer le moment, et de for-