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toujours hostiles aux Parthes, il donna à l’ennemi le temps de faire ses préparatifs. Et puis on lui reprochait sa conduite en Syrie, qui était d’un trafiquant bien plus que d’un général d’armée. Au lieu de passer en revue les armes de ses soldats, de les exercer par des combats gymniques, il ne faisait que calculer les revenus des villes ; il restait de longs jours à manier, à compter au poids et à la balance les trésors de la déesse d’Hiérapolis[1]. En même temps il écrivait aux peuplades et aux principautés, en leur fixant un contingent de soldats ; et il en faisait remise pour de l’argent. Tout cela le déshonorait et le rendait méprisable à leurs yeux.

Le premier présage de ses malheurs lui vint de cette même déesse, que les uns croient être Vénus, les autres Junon, d’autres la Nature, qui a tiré de l’humidité le principe et la semence de toutes choses, et qui a fait connaître aux hommes les sources de tous les biens. Comme il sortait du temple avec son fils, le jeune Crassus glissa et tomba à la porte, et le père tomba sur lui.

Pendant qu’il tirait ses troupes de leurs quartiers d’hiver et qu’il les rassemblait, des ambassadeurs lui arrivèrent de la part de l’Arsacès[2], chargés de lui porter ce peu de paroles : « Si cette armée a été envoyée par les Romains, la guerre se fera sans trêve, implacable. Si, comme on le dit, c’est contre la volonté de sa patrie, et pour satisfaire sa cupidité particulière, que Crassus est venu porter ses armes chez les Parthes, et qu’il a envahi leurs terres, l’Arsacès montrera de la modération, il aura pitié de Crassus, et il laissera une libre sortie aux soldats romains, qu’il regarde comme ses prison-

  1. C’est Hiérapolis de Carie.
  2. C’était le nom commun à tous les rois des Parthes ; le nom propre de celui dont il est question ici était Hyrodès, suivant Plutarque, ou, suivant d’autres, Orodès.