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CIMON.

nias un instant de repos. Un spectre lui apparaissait toutes les nuits pendant son sommeil, et lui répétait d’un ton de colère ce vers héroïque :

Marche recevoir son châtiment : le crime finit toujours par être funeste aux hommes.

Les alliés, dans l’indignation que leur causa ce forfait, se joignirent à Cimon, et assiégèrent Pausanias dans Byzance ; mais il parvint à s’échapper. Sans cesse troublé par le fantôme, il se réfugia, dit-on, à Héraclée[1], dans le temple où l’on évoque les âmes des morts. Il appela Cléonice, et la conjura d’apaiser sa colère. Elle lui apparut, et lui dit qu’à son retour dans Sparte il verrait la fin de ses maux, désignant, ce semble, par ces mots énigmatiques, la mort qui attendait Pausanias.

Voilà ce que racontent la plupart des historiens.

Cimon, à la tête des alliés, qui s’étaient tous réunis à son armée, cingla vers la Thrace, où on lui avait mandé que des seigneurs perses, parents du roi, s’étaient emparés d’Éione, ville située sur les bords du Strymon, et que de là ils inquiétaient les Grecs des pays voisins. Il eut bientôt défait les Perses en bataille, et il les obligea de s’enfermer dans la ville. Ayant ensuite chassé les Thraces qui habitaient au-dessus du Strymon, et qui fournissaient des vivres aux ennemis, il mit des garnisons dans toute la contrée, et réduisit les assiégés à une telle disette, que Butès, général du roi, désespérant de ses affaires, mit le feu a la ville, et s’y brûla, lui, ses amis et ses trésors.

Cimon prit la ville, et n’y fit pas un grand butin, parce que les Barbares avaient presque tout brûlé ; mais il donna à habiter aux Athéniens le pays d’alentour, qui

  1. C’était une ville d’Élide, à deux lieues environ d’Olympie.