Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/88

Cette page a été validée par deux contributeurs.

nombre et des appariteurs repoussaient à leur rang les spectateurs trop empressés, réprimaient leurs courses désordonnées, et tenaient les rues dégagées et libres. La marche triomphale fut partagée en trois jours : le premier suffit à peine à voir passer les statues captives, les tableaux, les figures colossales, portés sur deux cent cinquante chariots, spectacle imposant. Le lendemain passèrent, sur un grand nombre de chariots, les armes les plus belles et les plus riches des Macédoniens, tant d’airain que de fer, nouvellement fourbies, et toutes resplendissantes. Quoiqu’on les eût rassemblées avec beaucoup de soin et d’art, elles semblaient jetées au hasard par monceaux : casques sur boucliers, cuirasses sur bottines ; pavois de Crète, targes de Thrace, carquois entassés pêle-mêle avec des mors et des brides ; épées nues, longues piques, sortant de tous les côtés et présentant leurs pointes menaçantes. Toutes ces armes étaient retenues par des liens un peu lâchés ; et le mouvement des chariots les froissant les unes contre les autres, il en sortait un son aigu et effrayant : la vue des armes d’un peuple même vaincu, n’était pas sans inspirer une sorte d’horreur. À la suite des chariots qui traînaient les armes, marchaient trois mille hommes portant l’argent monnayé dans sept cent cinquante vases, dont chacun contenait trois talents[1] et était soutenu par quatre hommes. D’autres étaient chargés de cratères d’argent, de coupes en forme de cornes, de flacons, de gobelets, disposés tous pour la montre, et distingués à la fois et par leur grandeur et par la beauté de leur ciselure. Le troisième jour, dès le matin, les trompettes s’avancèrent, sonnant non ces airs qu’on joue dans les processions et dans les pompes religieuses, mais ceux dont se servent les Romains pour exciter les troupes au combat. À leur

  1. Environ dix-huit mille francs de notre monnaie.