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compagnés de festins et de fêtes. Les trésors du roi fournissaient à ses libéralités ; mais c’est par lui-même que Paul Émile voulut pourvoir au bon ordre, à la disposition des lieux, à la distribution des rangs, aux égards, aux politesses dus à chaque convive, suivant son mérite ou sa dignité. Il y fit paraître tant de discernement, tant d’attention et d’exactitude, que les Grecs admiraient de le voir traiter, avec un soin diligent, de simples amusements mêmes, et qu’un homme chargé de si grandes affaires observât, jusque dans les plus petites, la loi des bienséances.

Lui-même il goûtait dans ces fêtes une satisfaction bien vive ; car, entre tant d’apprêts si magnifiques et si bien ordonnés, sa personne était pour les assistants le plus doux des spectacles, et le plus digne de leurs regards. Et à ceux qui admiraient le bon goût de ses dispositions : « Il faut, disait-il, la même intelligence pour bien ranger une armée en bataille, et pour bien ordonner un banquet : l’une doit être, le plus possible, redoutable aux ennemis, et l’autre, agréable aux conviés. » Mais on loua surtout son désintéressement et sa grandeur d’âme ; car il ne voulut pas même voir la quantité d’or et d’argent qui remplissait les trésors du roi ; il fit tout remettre aux questeurs pour le trésor public. Il permit seulement à ses fils, qui aimaient les lettres, d’emporter les livres du roi ; et, en distribuant les prix de bravoure à ceux qui s’étaient signalés dans la bataille, il ne donna à Élius Tubéron, son gendre, qu’une coupe d’argent du poids de cinq livres. C’est ce Tubéron qui habitait, ainsi que je l’ai dit, avec ceux de sa famille, lui seizième, dans une petite terre dont le revenu les faisait vivre tous. Ce fut, dit-on, le premier meuble d’argent qui entra dans la maison des Élius ; encore s’y introduisit-il par l’entremise de la vertu, et comme une récompense d’honneur. Jusque-là eux et leurs femmes