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fleur de prospérité dont le lustre rehaussait encore sa vertu !

Timoléon était fils de Timodème et de Démariste, personnes de noble famille dans Corinthe. Amant passionné de sa patrie, il était d’une douceur singulière, sauf une haine violente contre la tyrannie et contre les méchants ; il était si heureusement né pour la guerre, et ses facultés se compensaient si bien, qu’il s’y distingua, dans sa jeunesse, par une prudence consommée, et que, dans sa vieillesse, il n’avait rien perdu de sa vigueur d’exécution. Il avait un frère aîné, Timophane, qui ne lui ressemblait en rien : c’était un écervelé, et qu’avait corrompu une folle ambition de se faire maître unique, que lui inspiraient des amis pervers, et les soldats étrangers dont il était sans cesse environné. Il avait montré dans les batailles une certaine audace, une intrépidité aventureuse : aussi donna-t-il à ses concitoyens une grande opinion de son courage et de son activité, et obtint-il plus d’une fois des commandements militaires. Il était secondé par Timoléon, qui couvrait ses fautes ou du moins en atténuait aux yeux la gravité, et qui relevait, qui faisait valoir les bonnes qualités qu’il avait reçues de la nature.

Dans le combat que les Corinthiens livrèrent à ceux d’Argos et de Cléones, et où Timoléon servait dans les hoplites, Timophane, qui était à la tête de la cavalerie, courut un extrême danger. Son cheval fut blessé, et le jeta par terre au milieu des ennemis. Ses compagnons, pour la plupart, se dispersèrent sur-le-champ, mis en déroute par l’effroi ; un petit nombre tinrent bon, résistant à grand-peine à une troupe considérable. Timoléon, qui voit le péril de Timophane, court à son aide, le couvre de son bouclier ; il reçoit de tous côtés, et à bout portant, dans son corps, dans ses armes, des javelots, des coups d’épée ; mais il parvient, après de grands efforts, à repousser les ennemis et à sauver son frère.