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Pydna à Pella. Sa cavalerie s’était échappée sauve de la bataille à peu près tout entière. Les gens de pied ne l’eurent pas plutôt rejointe, qu’ils se mirent à injurier les cavaliers, en les appelant des lâches et des traîtres. Effrayé de ce tumulte, Persée détourne son cheval hors du grand chemin ; et, pour n’être pas reconnu, il ôte son manteau de pourpre, qu’il pose devant lui, et prend son diadème dans sa main. Puis, afin de s’entretenir avec ses amis pendant la route, il mit pied à terre, et mena son cheval par la bride. Mais ceux qui l’accompagnaient restèrent derrière, et se retirèrent l’un après l’autre sous prétexte, l’un de rattacher ses brodequins, un autre de faire baigner son cheval, un autre d’apaiser sa soif : c’est qu’ils redoutaient bien moins les ennemis que la cruauté de leur maître ; et, en effet, ses malheurs avaient égaré son esprit, et il cherchait à rejeter sur les autres la cause de sa défaite. Lorsqu’il fut entré de nuit dans Pella, Euctus et Eudéus, ses trésoriers, vinrent au devant de lui ; ils osèrent lui reprocher les fautes qu’il avait faites, et lui donner, avec une franchise intempestive, leurs avis sur la conduite qu’il devait tenir. Persée, transporté de colère, les tua de sa main l’un et l’autre à coups de poignard. Alors il ne resta plus auprès de lui qu’Évandre de Crète, Archédamus d’Étolie, et Néon le Béotien.

De toutes ses troupes, les Crétois seuls le suivirent ; non qu’ils lui fussent réellement attachés, mais ils étaient retenus par ses richesses comme les abeilles par le miel, car il en traînait après lui d’immenses ; et il leur permit de piller dans ses trésors des coupes, des cratères et d’autres vases d’or et d’argent, jusqu’à la valeur de cinquante talents[1]. Il alla d’abord à Amphipolis, puis de là à Galepsus ; et, comme il s’était un peu remis de sa peur, il retomba dans sa maladie native et invétérée, l’avarice.

  1. Environ trois cent mille francs de notre monnaie.